« Magistral ! » s’exclame en s’approchant de moi le gros ours vert qui circule de table en table.
Il faut dire que nous nous tenons tous dans des positions extraordinaires, digne des meilleurs contortionnistes : M. tient sur une main et un pied, la tête de côté. S. et M. ont opté pour moins périlleux, l’un en tailleur en équilibre sur ses trois mains, l’autre en appui sur son épaule plate comme un pneu crevé.
Ce n’est pas un cours de yoga, juste une après-midi dans un café. L’ours vert m’a servi un jus de croissant que je sirote à l’aide d’une paille grosse comme un tuyau d’arrosage.
Les odeurs, divines, ont toutes leur couleur. Aussi l’atmosphère est-elle translucide et feutrée, comme dans la brume par temps de neige.
S. demande à la cantonade qui peut lui gratter les dents. Ça provoque un éclat de rire qui nous fait tous tomber de nos tables. Nous rampons les uns vers les autres en gloussant et s’exclaffant. Une fois réunis, nous formons une grande couverture écossaise. Je crois que nous nous endormons ainsi, bien au chaud.