Les frères Rabassó parlent assez vivement, à la manière des jumeaux Weasley dans Harry Potter. Je remplis en toute hâte leur grande valise en cuir marron foncé, pour les emmener à l’aéroport.
Assis en tailleur sur la moquette beige en laine épaisse, ils se fichent éperdument du vol et de leur bagage, que j’ai d’ailleurs du mal à fermer à cause du chandelier que j’y ai placé.
Je les presse un peu. Alors que nous changeons de pièce pour quitter l’appartement, ils se joingnent à un groupe assis là, à qui ils proposent une partie de petits chevaux, qu’ils mènent ensuite tambour battant sur un plateau de jeu de l’oie aux couleurs du Monopoly.
Je les supplie de terminer la partie. Nous sommes déjà en retard et, chaque fois que je regarde le billet d’avion, j’ai la certitude que nous raterons le vol.
Je garde une image vague du trajet en voiture et de la traversée du parking de l’aéroport.
Quand nous arrivons dans la salle d’embarquement après avoir franchi un tunnel en arceaux de plexiglas, les frangins débattent toujours du meilleur moyen de mener une conversation à son terme. J’éprouve de la tristesse à me sentir exclu de leur relation, et me fais l’effet d’un majordome qu’on ignorerait comme on le fait d’un meuble familier.
Je présente les cartes d’embarquement à l’hôtesse, qui me regarde fixement de ses yeux aveugles et me dit que mes billets sont lisses. Lorsque je les regarde, ils sont uniformément blancs, comme s’ils n’avaient jamais été imprimés.
Le hall où nous sommes est circulaire et a les mêmes proportions qu’une boite de camembert. Il flotte doucement.
J’ai l’effroyable conviction d’être dans une soucoupe volante.