Je suis à l’entreprise, il fait une chaleur épouvantable. Mes collègues se sont mis sur leur trente et un : chemises blanches, queues-de-pie, hauts de forme et pour certaines d’entre-elles, monocles.
Curieuse ambiance feutrée, bruits étouffés comme par temps de neige. Ils marchent à petits pas lents, patauds, en se balançant de droite et de gauche.
J’y suis ! Nous sommes des pingouins ! Des centaines de pingouins qui se croisent en se bousculant légèrement de l’épaule. Quel bonheur d’être un pingouin. Je voudrais applaudir pour exprimer ma joie mais, que se passe-t-il ? Où sont mes bras ?! Non, c’est impossible, ces petites nageoires ridicules ! Je suis saisi d’horreur lorsque je prends conscience de ma vraie nature : un manchot, voilà ce que je suis, un putain de bordel de manchot riquiqui perdu au milieu des pingouins ! Et cette chaleur qui me fait mal à la tête, si douloureuse que je crois défaillir.
Je geins, et aussitôt les pingouins m’entourent, se penchent sur moi, les femelles ôtent leur monocle pour me toiser. Tous échangent des propos mi-amusés, mi-écoeurés.
Puis tout devient noir.